L’alexithymie : quand les émotions se taisent sans qu’on le sache

Un phénomène méconnu en France, mais au cœur des recherches nord-américaine. "Je ne ressens rien. Je sais que je devrais être triste, ou heureux, mais… rien ne vient." Ce type de phrase, des milliers de personnes la prononcent chaque jour sans comprendre ce qu’elle signifie vraiment. Et si cela ne relevait ni d’un blocage émotionnel classique, ni d’un déni, mais d’un trouble neuro-émotionnel peu connu : l’alexithymie ?

6/17/20252 min read

woman in black shirt with white earbuds
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Qu’est-ce que l’alexithymie ?

L’alexithymie désigne une difficulté à identifier, différencier et exprimer ses émotions. Le mot vient du grec :

  • a- (absence)

  • lexis (mot)

  • thymos (affect / émotion)

Autrement dit : l’incapacité à mettre des mots sur ses états internes.

Mais il ne s’agit pas d’un refus conscient ou d’une résistance psychologique. Des études en neurosciences montrent qu’il s’agit parfois d’un mode de fonctionnement cérébral particulier, voire d’un trouble du traitement émotionnel profond.

Un phénomène largement sous-estimé

Environ 10 à 15 % de la population serait touchée à divers degrés, selon les estimations nord-américaines (Taylor et Bagby, 2004). En France, très peu de cliniciens posent ce diagnostic, car il est confondu avec la dépression, l’apathie ou le repli. Et pourtant, l’alexithymie est aujourd’hui reconnue comme facteur aggravant dans les troubles psychosomatiques, les addictions, ou les burnout sévères (Luminet et al., 2018).

Que dit la neuroscience ?

Les IRM fonctionnelles ont révélé que les personnes alexithymiques présentent souvent :

  • une activité réduite dans l’insula antérieure, région liée à la conscience de soi et aux émotions viscérales ;

  • une hyperactivation de l’amygdale, comme si les émotions étaient bien présentes mais… non décodées (Berthoz et al., 2002) ;

  • des liens forts avec des traumas précoces, parfois sans souvenir conscient, ce qui crée un "court-circuit" émotionnel (Solms & Turnbull, 2002)

Et dans la vie quotidienne ?

Les personnes alexithymiques peuvent se sentir vides émotionnellement mais souffrir de symptômes physiques (maux de ventre, tensions chroniques, fatigue inexpliquée)

Avoir du mal à se connecter aux autres ou à établir des relations profondes. Ne pas comprendre les messages corporels envoyés par leur propre système nerveux. Elles peuvent aussi se juger froides ou détachées alors qu’en réalité, elles ne perçoivent pas leur propre vie émotionnelle.

Pourquoi ce sujet touche au cœur des retraites Essentia

Chez Essentia, nous partons du principe que le langage du corps précède celui de l’esprit.

Nos retraites proposent :

  • un travail somatique profond (via le mouvement, la respiration, les approches sensorielles) qui reconnecte au vécu émotionnel ;

  • un environnement sécurisant qui permet d’apprivoiser les ressentis sans les forcer ;

  • des pratiques inspirées du neurodéveloppement et du polyvagal (Porges, 2011), qui aident à décoder les signaux internes autrement que par l’intellect.

Nous accueillons des personnes qui découvrent qu’elles n’ont jamais appris à ressentir. Et que c’est parfaitement réversible.

Une invitation à se réconcilier avec soi

Loin d’être une pathologie figée, l’alexithymie est souvent un appel silencieux à réapprendre à ressentir.

Dans un monde saturé d’informations, nous oublions parfois que notre premier guide, c’est notre corps. Et que nos émotions ne sont pas des obstacles à la performance, mais des messagers essentiels pour une vie alignée.

Références scientifiques
  • Taylor, G. J., & Bagby, R. M. (2004). New trends in alexithymia research. Psychotherapy and Psychosomatics, 73(2), 68–77.

  • Berthoz, S., Artiges, E., Van de Moortele, P. F., et al. (2002). Effect of impaired recognition and expression of emotions on the neural basis of empathy. NeuroImage, 17(2), 139–155.

  • Luminet, O., Nielson, K. A., & Bagby, R. M. (2018). Alexithymia: Advances in research, theory, and clinical practice. Cambridge University Press.

  • Porges, S. W. (2011). The Polyvagal Theory: Neurophysiological Foundations of Emotions, Attachment, Communication, and Self-Regulation. Norton.